Droits d’auteur, consentement, diffamation : les défis légaux du podcast

En l’espace de quelques années, le podcast est passé d’un loisir de niche à un élément incontournable du paysage médiatique mondial. Porté par sa flexibilité et son accessibilité, il séduit aussi bien les amateurs que les professionnels. Cependant, cette montée fulgurante est loin d’être exempte de complications, notamment sur le plan juridique.

En effet, bien que démocratique dans son essence, le podcast navigue dans un espace complexe marqué par des défis juridiques, éthiques, culturels et technologiques. Les créateurs de podcasts se trouvent donc souvent à jongler entre leur passion pour le contenu et la réalité des implications de leur travail, que ce soit :

  • la question des droits d’auteur lorsqu’il s’agit d’utiliser de la musique ;
  • les enjeux du consentement lors d’interviews ;
  • la nécessité d’éviter la diffamation ;
  • l’importance de reconnaître et de respecter les sensibilités culturelles. 

Cette analyse vise à plonger dans ces enjeux, en offrant non seulement un aperçu des défis auxquels les podcasteurs sont confrontés, mais également en proposant des solutions et des recommandations pour naviguer avec succès dans cet espace en constante évolution.

La nature évolutive des droits d’auteur

Les droits d’auteur ont toujours été considérés comme un moyen de protéger les créateurs et leurs œuvres. Avec l’avènement de la presse écrite, cette nécessité est devenue encore plus évidente. Les auteurs et éditeurs pouvaient ainsi bénéficier des fruits de leurs efforts, ce qui favorise la création et la diffusion de plusieurs œuvres.

L’ère numérique, cependant, a bouleversé la donne. Internet a démultiplié les possibilités de diffusion, rendant la protection des œuvres plus complexe. Si autrefois, copier un livre prenait du temps et des ressources, aujourd’hui, un fichier numérique peut être dupliqué à l’infini en quelques secondes. Le podcast, en tant que format majoritairement digital, est directement concerné par ces défis.

Cas d’étude

Nicolas, amateur d’histoire musicale, lance un podcast dédié aux grandes figures du rock. Pour illustrer son propos, il utilise des extraits d’interviews, des clips sonores et parfois de courtes séquences de concerts.

Dans l’un de ses épisodes, il utilise une vieille interview de John Lennon. L’enregistrement, datant des années 70, est accompagné d’un extrait d’une chanson des Beatles. Il pensait que, du fait de l’âge de l’enregistrement, il n’a pas à se préoccuper des droits d’auteur.
Cependant, peu après la diffusion, il reçoit une notification de violation de droits d’auteur.

Bien que l’interview soit ancienne, la chanson des Beatles est toujours protégée. 

La durée de protection des œuvres varie selon les pays, mais pour de nombreuses œuvres musicales, elle peut s’étendre à plus de 70 ans après le décès de l’auteur.

Nicolas fait face à un dilemme : doit-il retirer l’épisode, payer une licence (si elle est disponible) ou contester la réclamation ? 

Cette situation illustre la complexité des droits d’auteur à l’ère du numérique. Même si la technologie facilite l’accès et la diffusion, elle ne modifie pas les lois fondamentales qui protègent les œuvres.

Il est donc essentiel de toujours se renseigner sur les œuvres que vous souhaitez utiliser : sont-elles dans le domaine public ? Si ce n’est pas le cas, existe-t-il des licences disponibles ? Certaines plateformes, comme Creative Commons, offrent des licences plus souples, mais elles viennent avec leurs propres contraintes.

Enfin, en cas de doute, il est toujours préférable de s’abstenir ou de consulter un expert juridique. 

La passion pour le podcasting ne doit pas nous amener à négliger les implications légales de nos choix de contenu.

La musique sous licence

Les droits d’auteur musicaux sont parmi les plus complexes, notamment en raison de la multiplicité des acteurs impliqués :

  • auteurs ;
  • compositeurs ;
  • interprètes ;
  • producteurs, etc. 

Ces droits sont généralement gérés par des sociétés de gestion collective, qui accordent des licences d’utilisation moyennant rémunération.

Il existe plusieurs types de licences, adaptées à différentes utilisations :

Les licences exclusives

Pour celles-ci, l’ayant droit accorde à une seule personne le droit d’utiliser l’œuvre. Personne d’autre, y compris lui-même, ne peut l’utiliser pendant la durée du contrat.

Licences non exclusives

Dans ce cas de figure, plusieurs personnes peuvent obtenir une licence pour utiliser l’œuvre simultanément.

Licences Creative Commons 

Il s’agit d’un ensemble de licences publiques qui permettent aux créateurs de préciser les conditions d’utilisation de leurs œuvres.

Pour éviter les désagréments, il est crucial de comprendre les termes de ces licences, en particulier la portée géographique, la durée et les restrictions. Pour ceux qui souhaitent une approche sans tracas, des plateformes comme Youtube Music, Epidemic Sound, Audiojungle et bien d’autres proposent des musiques libres de droits.

Etude de cas

Vanessa est la créatrice d’un podcast consacré aux voyages. Pour son générique, elle décide d’utiliser une chanson populaire qui évoque l’évasion et l’aventure.

Elle se rend sur une plateforme de musique en ligne et achète une licence pour utiliser cette chanson dans son podcast. Tout semble bien se passer, jusqu’à ce qu’elle reçoive des messages d’auditeurs hors de son pays, lui indiquant qu’ils ne peuvent pas écouter son podcast à cause d’une restriction de droits d’auteur.

Vanessa découvre alors que sa licence ne couvre que la diffusion dans son pays d’origine.

Elle doit désormais choisir : payer pour une licence internationale, changer de musique ou limiter son audience à un seul pays.

Cette mésaventure met en lumière la complexité des droits de diffusion musicale, en particulier dans un médium globalisé comme le podcast.

Le cas de Vanessa est loin d’être isolé. Pour éviter de tels désagréments, je vous recommande de :

  • Lire attentivement les termes de la licence et de comprendre la portée géographique, la durée et les restrictions éventuelles ;
  • Considérer l’utilisation de musiques libres de droits disponibles sur les plateformes qui offrent des catalogues spécifiquement pour les créateurs.
  • Garder des traces, c’est-à-dire de conserver une copie du contrat de licence, des factures et des échanges avec les ayants droit. En cas de litige, ces documents peuvent s’avérer précieux.

Les témoignages et interviews : la question du consentement

Le partage d’expériences et d’opinions est au cœur du podcasting. Si une conversation spontanée peut parfois donner lieu à des moments d’or, il est essentiel de considérer les implications juridiques et éthiques de l’enregistrement et de la diffusion sans consentement.

Dans de nombreux pays, enregistrer une personne sans son accord explicite est non seulement considéré comme un manquement éthique, mais c’est aussi illégal. Ce principe respecte la vie privée et la dignité individuelle. Il est renforcé par des réglementations telles que le RGPD en Europe, qui renforce le droit des individus sur leurs données personnelles.

Etude de cas

Angélina, journaliste et podcasteuse, assiste à une conférence sur le changement climatique.
Elle est impressionnée par l’intervention d’un expert en climatologie, le Dr. X.

Après la conférence, elle engage une conversation informelle avec lui et enregistre discrètement leur échange sur son smartphone, pensant que cela pourrait enrichir son prochain épisode. Lorsque le Dr. X découvre que leur conversation a été diffusée sans son consentement, il est furieux. Il n’avait pas été informé, et certains de ses propos, sortis de leur contexte, peuvent nuire à sa réputation professionnelle.

Angélina se retrouve dans une situation délicate. Non seulement elle a enfreint la loi en enregistrant le Dr. X à son insu, mais elle a également compromis sa relation avec lui et potentiellement sa crédibilité en tant que journaliste.

Ce cas nous rappelle l’importance du consentement. Sachez qu’il existe de pratiques simples pour s’assurer que les droits et souhaits de toutes les parties sont respectés :

  • Toujours informer : 

Avant d’appuyer sur le bouton d’enregistrement, informez votre interlocuteur de vos intentions et demandez-lui son consentement.

  • Obtenir un consentement écrit : 

Un consentement oral est valable, mais un accord écrit (même un simple e-mail) vous offre une sécurité juridique supplémentaire.

  • Préciser l’usage : 

Indiquez clairement comment l’enregistrement sera utilisé. Si vous prévoyez de le monétiser, de le publier sur différentes plateformes ou de le modifier, informez-en votre interlocuteur.

  • Permettre une écoute préalable : 

Avant la diffusion, permettez à la personne interviewée d’écouter l’enregistrement. Cela peut éviter des malentendus ou des regrets ultérieurs.

Les défis éthiques du podcast : diffamation, objectivité et responsabilité

La liberté d’expression est une valeur fondamentale dans plusieus pays. Néanmoins, elle n’est pas absolue. L’un des freins majeurs à cette liberté est la diffamation, une allégation ou une imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou d’un corps.

Le podcast, de par sa nature conversationnelle et souvent non scriptée, peut parfois se rapprocher dangereusement de cette frontière. Une remarque désinvolte, une accusation non fondée ou une simple rumeur peuvent mener à des conséquences juridiques graves.

Cas d’étude

Alex est un podcasteur qui s’est spécialisé dans les ragots et les potins de célébrités.
Dans l’un de ses épisodes, il évoque une rumeur selon laquelle une actrice bien connue aurait eu une liaison extraconjugale.

Bien qu’il n’ait aucune preuve concrète, il présente l’information comme un fait avéré. Quelques jours plus tard, l’actrice en question porte plainte contre Alex pour diffamation. Les avocats de l’actrice fournissent des preuves réfutant la rumeur, tandis qu’Alex peine à étayer ses affirmations.

Face à un procès coûteux et potentiellement dévastateur pour sa réputation, il est contraint de présenter des excuses publiques et de dédommager financièrement l’actrice.

La situation d’Alex rappelle que la liberté d’expression s’accompagne de responsabilités. Pour éviter de tels pièges, en tant que podcasteur, vous devez adopter une approche éthique rigoureuse :

  • Vérifiez les faits et assurez-vous toujours de la véracité des informations avant de les diffuser. Une double vérification n’est jamais superflue.
  • Soyez transparent. Si vous n’êtes pas certain de la validité d’une information, présentez-la comme une rumeur ou une hypothèse et non comme un fait.
  • Donnez à ceux qui sont mentionnés ou critiqués dans votre podcast la possibilité de répondre ou de clarifier leur position.
  • Évitez le sensationnalisme. Demandez-vous si vous diffusez une information parce qu’elle est pertinente et vraie, ou simplement parce qu’elle est croustillante.

La question des sensibilités culturelles et sociales

Avec la portée croissante d’Internet, le contenu que nous produisons peut toucher une audience mondiale. Bien que cela ouvre des portes vers une diversité d’auditeurs, cela signifie également que le contenu est soumis à l’interprétation de cultures et de contextes sociaux variés.

Dans le domaine du podcast, ceci peut entraîner des malentendus, des représentations stéréotypées, ou pire, des offenses involontaires. En tant que médium fortement axé sur la voix et la narration, le podcasting peut être particulièrement vulnérable à ces écueils.

Cas pratique

Emmanuel, un podcasteur béninois, décide de consacrer un épisode à la fête traditionnelle indienne de Diwali. Toutefois, son approche est principalement basée sur des stéréotypes et des informations de seconde main, sans véritable recherche approfondie.

Suite à la diffusion de cet épisode, il est critiqué pour avoir simplifié et mal représenté la signification et les traditions de Diwali.

Les auditeurs indiens lui reprochent de n’avoir consulté aucune source authentique ni d’avoir interviewé des personnes de la communauté concernée.

Le cas d’Emmanuel soulève la question de la responsabilité des podcasteurs dans un monde interconnecté. Pour une approche respectueuse et équilibrée, vous pouvez envisagez de procéder comme suit :

  • Si vous abordez un sujet extérieur à votre propre culture, investissez du temps dans la recherche. Cela peut éviter des simplifications ou des inexactitudes.
  • Collaborez avec des personnes issues de la culture concernée ou, à tout le moins, consultez des experts ou des sources locales pour garantir une représentation fidèle.
  • Si vous commettez une erreur, soyez prêt à l’accepter, à vous excuser et à apprendre.
  • Reconnaissez que nous ne pouvons pas tout savoir et qu’il est acceptable de demander de l’aide ou des conseils pour éviter des erreurs culturelles.

Les enjeux juridiques du podcasting exigent une vigilance constante. La clé pour tout podcasteur est de s’informer, de consulter des experts et d’opter pour la prudence. Pour ceux qui se lancent dans cette aventure, il est essentiel d’être équipé des bonnes ressources et d’avoir une compréhension approfondie de ces défis.

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